Jive, 1995
La popularité de 2pac monte en flèche, son engagement est au maximum pour sa communauté et cela lui attire les médias et des rivaux. Son pouvoir de communication et sa capacité à ressembler les foules dérangent. Lors de l’écriture de Me Against The World entre 1993 et 1994, Tupac est accusé de viol et est en procès, il finira par être incarcéré début 1995 juste avant la sortie de l’album. Paradoxalement, Tupac a toujours défendu les femmes dans ses chansons avec notamment Brenda’s Got A Baby ou Keep Ya Head Up. Cette période a définitivement marqué l’artiste jusqu’à en faire un martyr, un homme qui se sent persécuté sans véritable raison, le poussant à se questionner sur lui-même.
Tupac n’est pas le gangster violent et irréfléchi tel que présenté dans les médias, mais il donne son opinion et s’exprime avec tant de conviction qu’il en devient dérangeant pour certain. Au contraire, 2pac a étudié à l’université, il lisait Shakespeare ou Machiavel, pendant son incarcération notamment. Tupac est un poète intellectuel plein de maturité.
Me Against The World est l’album introspectif de 2pac par excellence, un album qui présente ses réflexions sur lui-même et sa vie en tant qu’homme et en tant qu’artiste. Tupac porte un regard sincère sur sa personnalité, mais il ne veut pas cesser son combat pour sa communauté. Il le confesse sur Me Against The World où il se sent seul contre tous, mais il poursuivra son combat même face à l’adversité. 2pac est conscient de son poids dans le rap game, il est un leader charismatique, mais cela pèse sur ses épaules jusqu’à la remise en question, Heavy In The Game.
2pac, If I Die 2night
They say pussy and paper is poetry, power and pistols
Plotting on murdering motherfuckers ‘fore they get you
Picturing pitiful punk niggas copping pleas
Puffin’ weed as I position myself to clock G’s

2pac a toujours eu peur de sa propre mort et alors qu’il est pleine réflexion sur lui-même, il s’interroge sur ses nombreux ennemis qui pourrait le conduire dans la tombe sur If I Die 2night, avec de très belles allitérations prouvant sa grande capacité d’écriture. De son côté, Death Around The Corner l’emmène dans une sorte de paranoïa où il se voit mourir.
2pac nous emmène à travers ses réflexions personnelles avec une belle poésie pleine de sincérité sur It Ain’t Easy. Sa tristesse semble le transporter dans une forme de dépression nostalgique sur sa peur d’être incarcéré, en se remémorant des souvenirs d’enfance avec ses amis. So Many Tears revient aussi sur cette nostalgie et de la lutte douloureuse pour s’en sortir dans les ghettos et ses amis partis trop tôt. Il se livre sur Dear Mama sur un beau riff de guitare blues avec des lyrics touchantes sur l’amour qu’il porte pour sa mère. 2pac est un tel poète et transmet une telle émotion qu’on ne peut qu’être ému à l’écoute de chansons comme celles-ci. Personnellement certain titres sont capables de me tirer les larmes des yeux, et notamment It Ain’t Easy.
Cette poésie est renforcée par la mélancolie des productions. L’album est d’une grande élégance, qui reflète parfaitement la philosophie noble de 2pac. Chacune des mélodies vient soutenir la poésie du rappeur en fonction du message qu’il souhaite faire passer. La production de If I Die Tonight est plus énergique pour transmettre l’urgence de la situation alors que le G-Funk mélodieux et nostalgique de It Ain’t Easy. La touche West Coast se ressent fortement avec les sonorités G-Funk très élégante et mélodieuse, permettant de se laisser transporter dans une douce mélancolie. Mais les inspirations de ses racines East Coast sont bien là, notamment sur Temptations ou sur Old School, où il conte une poésie lyrique pour un hommage à ses ainés du Hip Hop en reprenant les Brand Nubian.

Brand Nubian
« What more could I say, I wouldn’t be here today,
If the old school didn’t pave the way »
Tout au long de cet album, 2pac nous emmène avec des paroles très profondes pour nous faire ressentir ses inquiétudes, sa paranoïa, son désespoir et ses angoisses. Aussi agile sur des productions plus rythmées que sur des mélodies douces, 2pac brille par la polyvalence de son flow sur cet album pour transmettre son message avec beaucoup d’émotions.
2pac
I take a shot of Hennessey
Now I’m strong enough to face the madness
Nickel bag full of sess weed laced with hash
Phone calls from my niggaz on the, other side
Two childhood friends just died, I couldn’t cry

Me Against The World est un album pour 2pac lui-même. Un album introspectif plein de sincérité. Probablement l’album qui représente le mieux le rappeur intelligent et meurtri qu’il était. Même si ses projets avec Death Row sont excellents musicalement, je préfère personnellement le 2pac pré-Death Row, qui est plus touchant et émouvant, et surtout plus lyrique. Me Against The World restera pour moi son meilleur album, le mieux réalisé et le plus élégant.