Les influences multiples d’un groupe iconique
L’influence du P-Funk sur le G-Funk est assez évidente. Par conséquent, quel est l’intérêt d’en faire un article pourrait-on se demander ? Eh bien, les évidences méritent parfois qu’on s’y attarde pour en comprendre toutes les raisons, toutes les subtilités et tous les détails. Mais aussi parce que le P-Funk n’a en réalité pas influencé uniquement le G-Funk mais aussi le Hip Hop dans sa globalité, et nous avons tous tendance à l’oublier. Pour comprendre comment le P-Funk a pu influencer le G-Funk, et le Hip Hop, on va s’attarder sur les origines, la musicalité et la philosophie de ce premier.
« Les racines du P-Funk dans la musique psychédélique »
Le P-Funk est plus ou moins un sous genre du funk psychédélique. Plus ou moins, parce qu’à la base le terme se réfère aux deux groupes menés par le légendaire George Clinton, pour l’abréviation de Parliament-Funkadelic. Deux groupes très proches dans le style, avec un certain nombre de musiciens et compositeurs communs, mais avec une musicalité et concept subtilement différents. Même si le P-Funk n’a jamais réellement été un sous genre du Funk, il a par la force des choses réussi à s’imposer comme tel. Le style si distinctif des deux groupes a marqué toute une génération dans les années 70, un sous genre du Funk psychédélique avec un concept et une philosophie bien à lui, qui a lui-même influencé d’autres sous-genre du Funk un peu plus tard.
Pourtant, si le G-Funk a beaucoup emprunté à George Clinton, le leader du P-Funk a lui-même beaucoup emprunté à ses prédécesseurs du Funk. George Clinton a en effet perfectionné un sous-genre et a su se le réapproprier à sa manière, mais les bases de la musicalité du Funk psychédélique reviennent à d’autres groupes et artistes. Nous n’allons pas nous attarder jusqu’à la naissance du Funk au début des années 60, dont l’un des pionniers et pères fondateurs est James Brown, plus fondamentalement Soul, et avec une tendance légèrement Jazz.
Cette psychédelie est née dans le Rock au milieu des années 60, notamment au sein des groupes californiens. Elle sera reprise par des artistes comme Frank Zappa et surtout Jimi Hendrix avec des tendances légèrement plus Funk. Même si Jimi Hendrix reste plus ancré dans le Rock, avec les marqueurs habituels du genre, il sera l’une des plus grandes sources d’influences de la période P-Funk. Si George Clinton a directement repris cet univers psychédélique, les innovations de Jimi Hendrix dans le maniement dans la guitare seront une autre source d’inspiration. L’utilisation des sons amplifiés et saturés et des effets de distorsion pour modifier la tonalité notamment avec les pédales Fuzz, Octavia, wah-wah ou Uni-Vibe se retrouvent aussi en partie dans les sonorités du P-Funk.
L’influence de Jimi Hendrix est loin d’être la seule. Sly and The Family Stone sont l’un des grands architectes du Funk psychédélique avec des marqueurs musicaux beaucoup plus communs pour du Funk tout en intégrant cette euphorie et le côté électronique de Jimi Hendrix. Mais contrairement à ce dernier, Sly Stone va conserver l’influence du Jazz et de la Soul avec l’utilisation de cuivre, ce qui en fait un groupe de Funk sans hésitation. Des albums comme Dance To The Music, Life, Stand ou There’s A Riot Goin’ On font partis des albums fondateurs du Funk psychédélique et ont été une influence directe dans la construction du P-Funk de George Clinton.
« Un style de Funk novateur aux influences multiples »
Les influences de George Clinton dans la construction de son propre Funk psychédélique qu’on pourrait nommer P-Funk sont certaines et identifiables, mais ça n’enlève aucun mérite à ce qu’il a pu construire. Il s’est certes inspiré de ses prédécesseurs, la Soul de James Brown, les innovations guitaristiques et électriquement saturées de Jimi Hendrix, et l’œuvre du Funk psychédélique de Sly Stone, mais George Clinton a su réinventer le genre à sa manière en réincorporant tous ces éléments avec deux groupes légendaires. Ce n’est pas pour rien si une quinzaine des musiciens de Parliament-Funkadelic ont été introduit au Rock and Roll Hall of Fame.
Je cite beaucoup George Clinton puisqu’il est le leader du groupe, mais les autres musiciens doivent aussi récupérer leurs mérites. Le bassiste Bootsy Collins, le guitariste Eddie Hazel, d’ailleurs très influencé par Jimi Hendrix, le claviériste Bernie Worrell, le saxophoniste Maceo Parker ou encore le tromboniste Fred Wesley ont tous contribué à l’œuvre de George Clinton. Il serait compliqué de citer tous les musiciens de Parliament-Funkadelic tant ils sont nombreux, mais ils ont tous contribué en tant que musiciens mais aussi et surtout en tant que compositeurs et influences pour les principaux d’entre eux.
Le style des deux groupes réunis est l’œuvre de ses musiciens. Ils ont contribué à créer la musicalité électrique avec des influences à la fois Soul, Funk, Jazz et Rock, qui a permis de créer ce funk psychédélique si typique des deux groupes. Ils ont confectionné un Funk gras et épais aux sonorités lourdes et hachées avec une utilisation massive de synthétiseurs et des voix électroniquement modifiées tout en conservant les instruments plus traditionnels du Funk et du Jazz. Pourtant, ils savent conserver la délicatesse relative de la Soul toujours avec une forme de psychedelie. Il est difficile de restituer la complexité de la musique de Parliament-Funkadelic, les différents albums des deux groupes ont chacun un style distinct et évolutif au fil de leurs discographies respectives, parfois même jusqu’aux influences Disco.
« La mythologie P-Funk »
Si la musicalité des groupes a pu évoluer, la philosophie des deux groupes est restée plus ou moins la même au cours des années avec un fil directeur, bien que légèrement différentes en fonction des deux groupes. Parliament avait une tendance un peu plus festive et afrofuturiste alors que Funkadelic était plutôt psychédélique et conscient, cette distinction se ressent d’ailleurs aussi dans la musicalité, le premier étant plus fondamentalement Funk et le deuxième légèrement plus Rock. Cette philosophie est devenue si iconique qu’on parle même de la mythologie P-Funk. Et si la musicalité est aussi l’œuvre des musiciens, la mythologie du groupe est quant à elle bien plus portée et insufflée par George Clinton lui-même.
La philosophie de Parliament-Funkadelic est évidemment intimement lié à la psychédelie. Le style vestimentaire excentrique de ses membres, en particulier George Clinton, Bootsy Collins ou Diaperman, est le premier élément farfelu du groupe. Au-delà de ça, ils arborent un style surréaliste avec des nombreuses références à la science-fiction, Mothership Connection est le meilleur exemple avec un concept basé sur l’évasion dans l’espace. George Clinton avait cette volonté de mettre des hommes noirs dans des situations inédites, et notamment dans l’espace. C’est le deuxième pilier de la mythologie P-Funk : l’afro-centrisme et l’afro-futurisme.
Même si la philosophie de George Clinton semble très consciente avec une forme de revendication des droits des noirs américains, il a aussi un aspect beaucoup plus idéologique, en un sens beaucoup plus abstrait. Parliament-Funkadelic mêle à la fois le spiritualisme, la sociologie, la cosmologie avec des théories, généralement inventées, et une narration absurde et satirique. L’utilisation de différents personnages et concepts au sein des albums permet aux groupes de dresser ses théories tout en mettant en œuvre sa philosophie. La diversité des différents albums mériteraient qu’on s’attarde plus longuement sur chacun d’entre eux, et ce serait sans doute le meilleur moyen de comprendre la philosophie du P-Funk avec plus de détail. Mais ce n’est pas l’objet de l’article.
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