Les égo-trips comiques de Stomy Bugsy

Les égo-trips comiques de Stomy Bugsy

« Le Calibre Qu’il Te Faut », une comédie mafieuse à la française

Sony Music, 1996

« Du Ministère A.M.E.R. au Secteur Ä »

Originaire de Sarcelles, Stomy Bugsy s’est d’abord illustré au sein du groupe Ministère A.M.E.R. aux côtés de Passi dès le début des années 90, ce qui fait de lui l’un des pionniers du rap en France avec d’autres groupes comme Assassin, NTM ou IAM. Avec deux albums au sein du Ministère A.M.E.R., le groupe s’est forgé une forte réputation dans le Hip Hop avec des paroles violentes et radicales et un engagement politique loin d’être subtile. Le groupe parvient à s’imposer dans le paysage du rap français avec un gangsta rap à la fois conscient et hardcore. Quelques chansons à scandale telles que Brigitte Femme de Flic ou Sacrifices de Poulet leur donnent une publicité auprès du grand public, le ministère de l’intérieur voulant interdire les chansons, notamment Sacrifices de Poulet sortis en 1994.

Après leur deuxième album, le groupe décide de se concentrer sur leurs carrières solo respectives, à la fois pour les membres du groupe mais aussi pour les membres affiliés, qui se rassembleront un peu plus tard dans le collectif Secteur Ä. Emmené par Kenzy, les membres du collectif sont presque tous originaires du Val d’Oise, le nom fait d’ailleurs référence à la cité Valery, un quartier de Sarcelles qui était surnommé la Secte Abdulaï. Doc Gyneco est le premier à se lancer dans un album solo avec Première Consultation en 1996, Stomy Bugsy suit avec Le Calibre Qu’il Te Faut la même année. Les autres membres continueront cette lancée les années suivantes avec notamment Les Tentations de Passi, Rue Case Nègres de Neg’Marrons ou encore Quelques Gouttes Suffisent du duo Arsenik. Le collectif parviendra à s’imposer comme un très grand vendeur de disques sur la fin des années 90 et le début des années 2000 avec des réalisations qui font partie des plus grands classiques du rap français.


« Les débuts français dans le G-Funk californien »

Par rapport aux albums du Ministère A.M.E.R., Stomy Bugsy prendra une nouvelle direction artistique avec des paroles beaucoup plus édulcorées. Ce n’est pas que Stomy n’est pas véritable, mais le contenu engagé et conscient va disparaitre pour des paroles à la fois plus gansgta, plus divertissantes et plus amusantes.

Directement inspiré du rap West Coast des Etats-Unis, Stomy puise son inspiration dans les disques G-Funk du début des années 90 à l’effigie de Snoop Dogg, Tha Dogg Pound ou Warren G. Avec Doc Gyneco, le rappeur de Sarcelles sera l’un des plus grands représentants français d’un rap ensoleillé façon Los Angeles, un genre très peu exploité à l’époque en France.

Entièrement produit par Doctor L, qui a fait ses débuts avec Assassin, l’album présente un magnifique mélange entre G-Funk mélodieux rempli de synthétiseurs larmoyants et sifflotant, des guitares douces avec un tempo lent et relaxant. L’album démarre avec un beat dramatique sur un riff de basse agrémenté de petit bruit strident sur Quand Bugsy Degomme, l’album prend un ton plus inquiétant et triste avec ce petit sifflement sur C’est La Merde et Tu Le Sais.

Le Prince des Lascars nous emmène dans un ego-trip plein de vantardises et d’auto dérision à la fois comique et gangsta, avec un refrain vocodé et robotisé sur une production électronique fortement inspirée par le P-Funk de George Clinton. Le single Mon Papa à Moi Est Un Gangster continue dans cette auto dérision pour un auto portrait où il se met dans la peau de son enfant qui conte le quotidien de son père. La Guerre du Rap se veut une nouvelle fois comique avec des références à toute la concurrence du rap français en passant de NTM, Alliance Ethnik à Assassin.


« Du gangsterisme à la fois glamour et hardcore »

Dans des styles différents, Stomy reste toujours gangsta, parfois plus comique, parfois beaucoup plus sérieux avec une connotation beaucoup plus mafieuse comme c’est le cas sur J’avance Pour Ma Familia qui démarre sur un sample du Parrain avant de suivre avec une batterie claquante. Accompagné d’Akhenaton, Dernier Pas Dans la Mafia se veut beaucoup plus menaçant avec des lyrics plus hardcore. On aperçoit un retour à des paroles plus conscientes sur des titres comme Mes Forces Déculpent Quand On M’inculpe mais Stomy avec des formules beaucoup plus subtiles que précédemment, bien moins direct et agressives mais toujours avec une connotation dénonciatrice et provocante.

Le grand ponte de la mafia du rap, Stomy, se donne des airs de gangster avec des références multiples aux grands classiques du cinéma noir passant du Parrain, aux Affranchis, à Scarface. Même si on sent qu’il ne faut pas trop le chercher, il a un côté comique, un gangster glamour ou parfois simplement le petit lascar de quartier. Son pseudo est d’ailleurs une référence directe au mafieux américain d’origine russe, Benjamin Siegel, surnommé Bugsy, le cafard, un tueur sanglant et violent à la grande gueule tout en étant très flashy.


Le Calibre Qu’il Te Faut est un ovni dans le paysage du rap, un album unique avec des sonorités Funky réalisé par le seul qui pouvait le faire aussi bien que lui. Avec sa voix comique, il sait nous emmener dans ses histoires fanfaronesques tout aussi menaçantes qu’amusantes. L’album se prend comme une comédie mafieuse. L’un des meilleurs albums de l’histoire du Hip Hop français qui rentre aisément dans un top 10 all time, pour moi c’est facilement top 5.
Note : 5/5

Par Grégoire Zasa


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