Lourd / RCA, 1996
Avant de rejoindre l’équipe de Dr. Dre à la fin des années 90, Xzibit a eu une carrière un peu éloignée des radars. Si Dr. Dre l’a fait exploser sur la scène mainstream grâce à des titres comme Bitch Please, What’s The Difference ou Some L.A. Niggaz avant de sortir Restless en 2000, les fans de la première heure suivaient déjà avec attention le natif de Detroit avec ses deux premières sorties, At The Speed Of Life en 1996 et 40 Dayz & 40 Nightz en 1998.
Avec Restless, Dr. Dre a converti Xzibit à des sonorités beaucoup plus West Coast, ce qui n’a pas plu aux fans de la première heure. En effet, bien qu’ayant grandi en Californie, Xzibit faisait sa propre musique loin des standards habituels de la West Coast, ses textes n’avaient rien de gangsta rap et les sonorités très éloignées du G-Funk. En réalité, son style se rapprochait plutôt des rappeurs de la côte est. Nous ne sommes pas là pour juger le mouve d’Xzibit vers des sonorités plus californiennes avec son ralliement à Dr. Dre, mais plutôt pour revenir sur son début de carrière dans l’underground.


Proche de King Tee, un des pionniers du rap West Coast, Xzibit fera sa première apparition sur le quatrième album de ce dernier en 1995, IV Life. Il rejoint ensuite le Likwit Crew, fondé par King Tee, aux côtés de Tha Alkaholiks, Lootpack, Defari, etc. avant de signer un contrat avec Loud Records. Même pour ses débuts, Xzibit n’est pas esseulé et est déjà membre d’une scène underground bien connue et identifiable de Los Angeles.
Beaucoup ont vu en lui un grand rappeur à potentiel, avec sa voix rauque et ses lyrics aiguisées, Xzibit avait les atouts pour réussir, ce qu’il a fait au vue de sa reconnaissance dans l’underground. Le rappeur est une véritable machine à punchlines accrocheuses et fracassantes. Mr. X est hardcore sans être véritablement gangsta, il sait être à la fois provocant et brut, ce qui lui donne un côté légèrement bourru.

Xzibit, Paparazzi
Sometimes I wonder if it’s all worth my while
Xzibit stay versatile with million dollar lifestyle
And I can feel it as a child growing up
The niggas that was real and the niggas that was scared as fuck
It’s why Xzibit only roll with a chosen few
You ain’t really real, I can tell when I look at you
So ease off the trigger-talk, you ain’t killing shit
It’s not affecting me or the niggas that I’m chilling with
I don’t believe the hype or buy woof tickets
Nigga, you make a gang of noise and never seen like a cricket
I guess that’s why we never kick it
A lot of niggas is soft and get tossed trying to fuck with the Likwit
Même s’il peut parfois aller un peu trop loin sur certains morceaux, sur d’autres Xzibit est au contraire beaucoup plus équilibré avec beaucoup d’honnêteté et de remords, très perceptible sur le single Paparazzi. Avec une belle introspection, il remet en cause sa légitimité de jeune voyou avec un côté rédempteur. Xzibit narre un très beau récit déchirant sur son passé sur Carry The Weight, on le retrouve écorché et accablé avec une sincérité qui fait frémir. Au contraire, il est beaucoup plus brut sur Eyes May Shine ou sur Positively Negative avec une belle dichotomie sur les pièges de la rue. D’autres morceaux abordent des thèmes plus futiles et distrayants comme Plastic Surgery avec Ras Kass et Defari, pourtant les morceaux fonctionnent toujours bien avec des punchlines intelligentes.
L’ambiance est définitivement pesante et lourde tout en étant mélodique et mélancolique, l’utilisation de nombreux cuivres sourds et les riffs de cordes graves et résonnants contribuent fortement à cette atmosphère hybride entre un Cypress Hill de Temple Of Boom et un Illmatic de Nas. L’album démarre avec le morceau éponyme sur un beat de Thayod Ausar qui présente des claquements incessants de caisses claires et quelques notes de guitare pleine de mélancolie. On retrouve cette mélancolie avec le violoncelle de Eyes May Shine qui est rehaussé par des petits sifflements au refrain et des cloches aigues pour une ambiance à la fois tragique et inquiétante. Paparazzi sample une mélodie émouvante de cordes de Barbara Streisand. On retrouve DJ Muggs sur The Foundation avec une belle boucle de piano aigu pour un morceau dédié à son fils. Les notes longues et résonnantes de Carry The Weight supporte aisément le ton dramatique et triste donné par Xzibit.
A part quelques titres légèrement en dessous, les producteurs, Thayod Ausard, DJ Muggs, E-Swift, Craig Sherrad ont réalisé un travail remarquable pour donner cette atmosphère à la fois mélancolique et austère pour que Xzibit puisse s’exprimer. La voix rauque et les punchlines brutes du rappeur contrastent parfaitement les beats pour une ambiance unique. Même si Xzibit est brut et agressif, il sait aussi être parfaitement émouvant et introspectif, ce qui correspond parfaitement à la toile de fond offerte par les producteurs. Autant dans les productions que dans l’interprétation et les lyrics, l’équilibre est très bien maitrisé. Il ne s’agit pas d’un album introspectif à proprement parlé puisque d’autres thèmes sont abordés, mais le premier essai du natif de Détroit a un côté très personnel dans l’approche.
Xzibit signe un excellent premier album. Il est difficile de dire s’il s’agit de son meilleur puisqu’il prendra un nouveau tournant dans sa carrière. Les fans de la première heure auront tendance à privilégier le Xzibit des débuts, d’autres seront plus satisfaits de ses collaborations avec Dr. Dre. A mon sens, At The Speed Of Life reste son meilleur album pour son côté authentique, mais Xzibit a su rester très convaincant même dans sa période plus gangsta et West Coast banger.