Gee Street / Island / Polygram, 1994
Gravediggaz, les fossoyeurs ! Ca annonce la couleur… Oui les Gravediggaz sont un groupe d’Hip-Hop horrorcore, pionniers du genre avec d’autres artistes comme le californien Brotha Lynch Hung ou le groupe de Houston Geto Boyz. L’horrocore est un sous-genre à part entière caractérisé par des lyrics sombres et macabres, avec une psychologie de la terreur. Des éléments occultes et super naturel sont peuvent également être intégrés.
Issus de groupes de rap de la fin des années 80 et début des 90, on retrouve le producteur reconnu du Wu-Tang Clan, RZA, le rappeur Too Poetic et les membres du groupe Stetsasonic, le emcee Frukwan et le beatmaker Prince Paul, aussi connu pour ses travaux avec De La Soul entre autres. Mais avec les Gravediggaz, c’est sous une autre identité qu’ils apparaissent. Ils se transforment en fossoyeurs pour préparer leurs films d’horreur. Prince Paul devient l’embaumeur, The Undertaker, Frukwan se tient en gardien, The Gatekeeper, alors que Poetic apparait comme la Faucheuse, The Grym Reaper et RZA le recteur, The RZArector.




Sous leurs alter-egos, nos personnages vont nous terrifier et nous emmener dans un cimetière en pleine nuit noire et glaciale où on retrouve Frukwan pour nous ouvrir les portes pendant que la Faucheuse, Poetic, nous suit pendant tout notre périple. Dans cette terreur, dès que la mort a frappé, l’embaumeur, Prince Paul, s’occupe de nous préparer dans nos derniers moments. Le recteur, RZA, semble diriger les lieux et orchestrer notre fin proche.
On pourrait penser que RZA est à l’œuvre à la production. En effet, il est bien présent mais cet univers oppressant est principalement le fruit du génie démoniaque Prince Paul, plutôt étonnant quand on se remémore ses comptines enfantines sur 3 Feet High And Rising de De La Soul. Mêlé avec le génie farfelue de RZA qui remanie machiavéliquement les samples de Soul et de Jazz, on atterrit dans une fiction horrible et paranoïaque où la mort est omniprésente.
On plonge dans leurs univers malsains les yeux fermés, se laissant surprendre par leurs flows agressifs et violents, parfois lisses parfois saccadés. On se laisse absorber dans leur film d’horreur, dans les profondeurs des ténèbres, six pieds sous terre avec 6 Feet Deep, où le gore, le frisson, le lugubre sont maitre-mots. On frémit, on a envie de se cacher, mais où ? Ils nous le disent : Nowhere to Run, Nowhere to Hide… Les fossoyeurs creusent notre tombe doucement, Here Comes the Gravediggaz… On est piégé dans le Death Trap jusqu’à être délivré par l’Outro… Rest In Peace.
L’écriture de Too Poetic et Frukwan est mortellement géniale avec un comique macabre pour une farce sadique psychologiquement dérangeante. Il faut se préparer à des scènes ensanglantées sur les techniques de tortures médiévales qui nous font ressentir un véritable cauchemar sans fin, sans oublier la sensation nauséabonde de Defective Trip. Ils n’ont pas peur d’offenser en jouant avec les valeurs familiales ou en s’attaquant aux politiques conservatrices, comparée à des vampires sur 6 Feet Deep. 1-800 Suicide va au-delà des codes de la bien-pensance et du politiquement correct.

Gravediggaz
« So you wanna die, commit suicide
Dial 1-800-Cyanide line
Far as life, yo it ain’t worth it
Put a rope around your neck and jerk it »
6 Feet Deep est une ambiance, un film, maîtrisé à la perfection par des pointures du rap de l’époque. Un classique du genre qui inspirera bien d’autres rappeurs après eux, comme Necro. Tout est fait pour qu’on rentre dans l’ambiance : productions, flow, lyrics, cover… rien n’est laissé au hasard pour un album qui pointe du doigt la perfection. Vous ne ressortirez pas indemne de cet aventure diaboliquement magique.