En la mémoire de Trugoy The Dove
R.I.P Dave
David Jolicoeur, Trugoy The Dove, Dave, Plug 2, peu importe le nom sous lequel vous le connaissez, cet artiste nous a tragiquement quitté ce dimanche 12 février à l’âge de 54 ans laissant derrière lui une famille, des amis et des fans. Dave est connu pour être le Plug 2 du légendaire groupe De La Soul, aux côtés de Posdnuos a.k.a. Plug 1, et DJ Maseo.
La disparition d’un artiste nous affecte tous de manière différente, en fonction de la sensibilité que nous avons pour sa musique. Je parle bien-sûr ici en des mots de fan, je ne saurai me mettre à la place de ses proches pour comprendre ce qu’ils peuvent ressentir. En tant que fan de De La Soul, la disparition de Trugoy The Dove est probablement l’une des disparitions d’artiste qui m’a le plus affecté depuis très longtemps, probablement depuis Nate Dogg, même MF Doom ne m’avait pas autant attristé.



Mais malgré sa triste disparition, nous avons toujours son héritage, l’héritage qu’il a laissé grâce à son œuvre musicale réalisée aux côtés de Posdnuos et Maseo au sein de De La Soul. Un des rares groupes dans le Hip Hop qui ne s’est d’ailleurs jamais séparé, tout en ayant jamais réalisé d’album solo, toujours unis pour la musique au fil des années. Les années et décennies se sont succédées, et De La Soul a toujours été présents, traversant les générations.
Avec De La Soul, Dave nous a laissé pas moins de 9 albums studio, dont quelques-uns qui sont de véritables classiques et ont contribués à poser les bases du Hip Hop du Golden Age. D’autres sont peut-être moins mémorables, mais aucun d’entre ne vaut pas à minima l’écoute.
L’œuvre disruptive de De La Soul
En tant que membre des Natives Tongues, De La Soul a posé les bases d’un Hip Hop nouveau, un Hip Hop positif et plein de bonne humeur dans une philosophie Hippie. De La Soul a su constamment se réinventer au fil des albums, pas pour se fondre dans le style de l’époque, pas pour une volonté de rester absolument dans la tendance, mais au contraire toujours dans une démarche artistique bien déterminée et bien définie, et très souvent à contre-courant. En ce sens, la discographie de De La Soul est extrêmement riche, à tel point que les fans du groupe sont rarement d’accord sur leur meilleur album. Le premier, 3 Feet High and Rising, a évidemment définie l’identité musicale du groupe pour son côté joyeux et sa philosophie Hippie, mais d’autres ne jureront que par le cynisme de De La Soul Is Dead, par le Jazz de Bulhoone Mindstate, par la maturité de Stakes Is High ou la modernité de The Grind Date. Chaque album a son propre univers, son ambiance, sa philosophie toujours avec un style reconnaissable.



Si la musicalité et la philosophie de De La Soul ont fait l’identité et le style du groupe, nous avons beaucoup trop tendance à les réduire à cela. Mais De La Soul, c’est aussi un DJ talentueux et deux très grands rappeurs, avec des paroles réfléchies pleines de sens, des jeux de mot habiles et des doubles sens. On oublie les qualités des deux rappeurs, qui paraissent de prime abord effacées derrière un travail de sampling très riche, une créativité très développée, une philosophie atypique dans le Hip Hop et une recherche artistique très aboutie. Mais la beauté de l’œuvre de De La Soul réside aussi dans les paroles subtiles et dans un emceeing pur, dans sa définition originelle du terme, ils sont de véritables animateurs qu’il ne faut pas sous-estimer. Ils ne sont peut-être pas les plus impressionnants, mais il savent faire preuve d’une excellente versatilité avec des flow lisses, calmes et entrainants sur des tons qui oscillent entre sérieux, amusants, ludiques ou philosophiques.
Gardons la positivité que la groupe a toujours véhiculée. De La Soul n’est pas mort, si nous avons perdu un de ces membres, l’héritage laissé subsiste et c’est notre rôle de ne pas oublier, de faire connaître et d’écouter l’œuvre exceptionnelle que ce trio nous a laissé. En ces moments tristes, il est important de revenir sur la contribution de ce groupe iconique dans le Hip Hop et la musique.
Nous allons revenir sur la discographie de ce groupe. Le but n’est pas de décrire en détail chacun des albums, mais plutôt de présenter un bref aperçu de chacun d’entre eux pour comprendre l’œuvre musicale du groupe dans sa globalité. Il convient à chacun de creuser et de se faire sa propre opinion des albums. Et nous reviendrons plus en détail sur ce site sur les albums avec des articles dédiés.
3 Feet High and Rising

Produit par Prince Paul, 3 Feet marque le début de De La Soul et surtout le grand début du Daisy Age. L’album est un condensé de bonne humeur et de joie infantile tout en traitant de manière très subtile des sujets sociétaux. Le trio est plein d’humour avec des airs faussement candides, ce qui en fait un groupe presque Hippie.
3 Feet est véritablement unique dans le paysage Hip Hop de l’époque, il casse les codes habituels du rap et l’image même du rappeur pour en faire quelque chose de plus ludique. Un album qui est tout aussi inventif que transgressif pour le Hip Hop.
De La Soul Is Dead

Avec cet album, De La Soul va rejeter le Daisy Age tout en annonçant la mort du groupe, avec ce titre et cette couverture hautement symbolique. Toujours produit par Prince Paul, De La Soul sera bien plus enclin à la dépression, au cynisme et au désespoir, l’humour candide laisse place au sarcasme et à l’humour noire. Toute proportion gardée, ça reste De La Soul. Le trio de rappeurs et son producteur continuent une nouvelle fois de transgresser le Hip Hop d’une nouvelle manière tout en se renouvelant.
Bulhoone Mind State

Buhloone Mindstate est le chef d’oeuvre Jazz-rap de De La Soul. Si les albums précédents intégraient énormément de samples de Jazz, entre autres, ici ce sont les jazzmen qui viennent jouer de leurs instruments avec notamment Maceo Parker, Fred Wesley ou Pee Wee Ellis. L’album s’identifie dans une ambiance jazzy dormante et rêveuse, d’un calme plat tout en étant envoutant. De La Soul revient légèrement à la positivité de 3 Feet mais avec quelque chose de finalement beaucoup plus mature et plus d’introspection, bien moins candide. Le trio continue d’expérimenter musicalement. S’il n’est pas le plus apprécié, il reste cruellement sous-estimé, et bien trop oublié.
Stakes Is High

Stakes Is High est le premier album de De La Soul qui n’est pas entièrement produit par Prince Paul, le groupe ayant considéré que les productions du beatmaker ne reflêtaient pas assez la msucialité qu’ils souhaitient donner à l’album. Cet album est surtout le plus sombre de leur discographie avec une tendance soulful, tout en étant le plus conscient et engagé, finalement très différents des précédents. S’il y avait une forme de conscience, ici le trio adoptera une approche beaucoup plus directe avec des thèmes sérieux, notamment une critique du gangsta rap et de la commercialisation excessive du Hip Hop. Les critiques émises par De La Soul prédisaient finalement un avenir très proche, un Hip Hop moins pur et plus ostentatoire, tout en posant les bases d’un mouvement, les Soulquarians, auquel ils n’ont eux-mêmes finalement pas vraiment pris part.
Art Official Intelligence


AOI devait être à l’origine une trilogie, finalement seulement deux réalisations sortiront : Mosaic Thump et Bionix. Après l’échec commercial de Stakes Is High, Mosaic Thump permettra au groupe de renouer avec le succès, avec notamment les titres Oooh et All Good?. Les albums perdent légèrement l’âme de De La et tentent plus ou moins de surfer sur la vague du Hip Hop de l’époque, le trio sera moins décontracté qu’habituellement mais avec un message toujours pertinent. Les albums présentent plus de refrains chantés et un son qui est relativement dans l’ère du temps. Les AOI ne sont pas les plus inventifs de leur catalogue, mais restent toujours sophistiqués et plein de bon sens, un rap mature pour adulte. La créativité légendaire du trio n’est pas à son apogée ici, mais ça reste de bonne facture.
The Grind Date

L’album devait à l’origine être le troisième opus de la trilogie AOI avant d’être repenser comme un projet à part entière, et c’est une bonne chose. The Grind Date reprend l’âme même de De La Soul mais plus moderne tout en conservant une touche Old School, démontrant les réticences du trio à l’évolution du Hip Hop. On retrouve la créativité du groupe avec leur décontraction et vivacité habituelles, sur des rythmes à la fois brut avec un soupçon de Soul bien amenée produit par un excellent casting qui correspond à leur empreinte sonore. The Grind Date doit aujourd’hui faire partie des albums les plus accessibles de De La Soul.
Plug 1 and Plug 2 Presents… First Serve

First Serve est le premier album fondamentalement conceptuel de De La. Les Plugs retrace la carrière d’un personnage fictif dans l’industrie musicale dès les années 90, tout en citant De La comme une source d’inspiration. L’album est en réalité une métaphore de l’évolution du Hip Hop et du destin de nombreux groupes. De La propose un récit captivant tout en renouant avec leurs ambitions musicales.
And the Anonymous Nobody

Comme sur l’album précédent, De La renoue avec son identité musicale, et fait de la musique à son image, sans ressembler à un seul autre album du groupe. De La retrouve son esprit d’outsider qui ravi les fans. L’éclectisme musicale est là avec un concept dans lequel ils se samplent eux-mêmes avec paroles sincères et des images habiles.