Alors que Sabato pesait par son ambiance sombre et assommante avec une lourdeur inquiétante, Bugsy H. provoque un virage à 90 degré avec son nouvel album. Mais le rappeur revient parfaitement, conscient de ses qualités, il sait s’appuyer dessus, à la fois en variant son approche et tout en conservant sa marque de fabrique.
Son album Sabato nous avait déjà surpris par son côté à la fois brut et travaillé dans une ambiance terrifiante et glaciale. Là où Sabato était dans la maîtrise des mots offrant une belle dramaturgie, Sanctuary est plus personnel et plus centré sur l’émotion. Bugsy H. nous montre de nouvelles qualités, la dramaturgie et l’horrorecore étaient déjà prouvée. Mais le rappeur de Boston sait aussi être plus personnel, plus doux, plus émotif, en un sens plus joyeux aussi.
Alors que Bugsy H. s’écarte légèrement du Mosaïc Rap où l’art du maniement des mots est au service de la réflexion et de la pensée, le rappeur de Boston, aussi surnomé le 88.9 pharmacist, revient pour cette fois se servir des mots pour apporter de l’émotion et des sentiments dans un voyage vers la paix. L’histoire du surnom 88.9 pharmacist est d’ailleurs amusante.
Bugsy H.
I’ve been asked a lot about where that alias comes from. When I was a kid WERS 88.9 FM radio was one of the biggest and most respected underground hip hop shows in the city. Remembered waiting around all day to hear Masta Ace come up there and rap. It was on my same street going up just further into downtown. Anyways at the time I recorded my very first single called Nobody which featured Yung Azmar, (now known as Aston Martin Piff) I walked past the station one day and saw a girl at the front desk who I used to talk to. I persuaded her to give the CD to her boyfriend who was a VJ there at the station. Later that week I’m at Kage’s house (RIP) listening to the station how we did most weekends and all of a sudden the record comes on. Kage and I jumped up in joy felt like we made it. He jokingly said, “you’re like the 88.9 Pharmacist man, you giving these people what they want!” I kind of just took that quote and ran with it!


Le titre de l’album est tout sauf anodin. Bugsy H. nous présente son sanctuaire, son refuge. Mais le rappeur de Boston veut également nous inciter et nous aider à trouver notre propre sanctuaire. Il nous présente le sien par rapport à sa vision, son passé, sa vie, mais il n’a pas la prétention de penser que ce sanctuaire est un idéal à suivre par et pour tous. En nous présentant son sanctuaire, il veut nous aider à construire et trouver le nôtre. Finalement, un très beau message plein de sagesse qui démontre toute la versalité de Bugsy H..

Bugsy H.
Me and a brother Tony Freeman teamed up for this. I created the image he brought it to life! The deer with his laser on his head are US! The true preservers of hip hop. It also means peace the deer represents peace and the laser is all the negative things trying to kill it. It means a lot and I’m very proud of this cover I don’t know what PETA would think (ha ha)
Si le titre de l’album n’est pas anodin, la pochette, qu’il a imaginé lui-même avec Tony Freeman, ne l’est pas non plus. Je reconnais avoir été interpellé et avoir quelques difficultés à l’interpréter, d’autant plus au vue du thème, des sonorités et de la musicalité de l’album. Dans sa recherche de la paix, qu’il essaie d’atteindre grâce à son sanctuaire, le cerf en est sa représentation. Un animal innocent et paisible, qui ne cherche ni à nuire, ni à s’opposer, ni à s’élever. Cette innocence se ressent aussi dans l’écriture des paroles. Bugsy H. offre son point de vue de manière libérée, contrairement à Sabato qui était bien plus averti. Pourtant, la cruauté de ce monde peut se mettre en travers de cette recherche de paix et de calme, la destruction de l’innocence est représentée par le laser, qui oppose la force et la recherche de pouvoir avec l’innocence infantile et le bonheur naïf. On peut aussi le voir comme une métaphore du passage de l’enfant vers l’adulte. Une vraie réflexion presque nihiliste qui pousse à s’interroger sur le monde qui nous entoure.

Bugsy H.
I wouldn’t say it’s particular more joyful it’s definitely more innocent. I tried to write in the perspective of 16 year old Bugsy on Math Line Records still looking to sign a record contract, and mesh with the Bugsy now expressing the joys of those two worlds.
I wanted to step away from the mosaic rap/unorthodox methods I’ve surfaced previously. These songs had more to do with structure, obedience the things I was/am installing in my son.
La naissance de son fils lors d’une période oppressante, la pandémie, a définitivement poussé le rappeur dans cette recherche de paix, son sanctuaire, en évitant tout ce qui peut troubler cette tranquillité. Comme s’il recherchait à protéger son fils de la cruauté du monde qui nous entoure. Un album qu’il voulait lui-même beaucoup plus personnel, et qui finalement se retrouve aussi être un album beaucoup plus paisible.
Très fortement inspiré par Fatlip des Pharcyde, l’album s’abandonne dans une mélancolie Jazzy, avec des beats aussi calmes que recherchés. La production de Mindframe nous berce comme un enfant dans un berceau, représentation de ce sanctuaire calme et paisible. Pourtant les mouvements de va-et-vient du berceau nous emmène dans des moments plus sombres et hardcore, comme des allers-retours perpétuels entre cet endroit paisible et la cruauté du monde qui finit toujours fatalement par nous rattraper. L’exécution de Mindframe est parfaite avec une sélection de sample ingénieuse qui reflète parfaitement l’ambiance voulue pour chaque titre, avec des va-et-vient entre des morceaux joyeux, calmes, mélancoliques, nostalgiques comme sur Hartcourt & Botolph, et, au contraire, des morceaux plus hardcore, oppressants, menaçants, comme sur Stay Dangerous. Le séquencement de l’album est parfaitement calculé et exécuté pour accompagner le rappeur dans ses pensées. L’enchainement des tracks n’est pas laissé au hasard et démontre toute la recherche artistique du duo rappeur/producteur, Bugsy H. et Mindframe, pour un album conceptuel maîtrisé.
L’ambiance Jazz représente la paternalité pour le rappeur, alors que les paroles innocentes représentent l’enfance. Une dualité parfaite qui permet un contraste très intéressant mais qui se marrie à la perfection. L’alliance de la sagesse et de l’innocence, la protection de l’innocence, le guide vers la paix dans la recherche du sanctuaire. L’exécution de Bugsy H. est toujours aussi impressionnante, il dicte ses rimes subtiles avec son flow brut et imposant. La posture assurée et autoritaire du rappeur de Boston renvoie à cette paternalité alors que l’innocence des paroles renvoie une nouvelle fois à l’enfance.
Accompagné de ses compères, son mentor Sephen Route, le vétéran M-Dot ou son frère de toujours S18 pour ne citer qu’eux, Bugsy H. s’est fortement entouré pour cet album. N’est-ce pas paradoxale pour un album personnel ? On pourrait penser que oui, mais en réalité la recherche de la paix et de son sanctuaire ne doit pas forcément se faire seul, il peut s’agir d’un chemin qui se parcourt accompagné, en tenant compte des conseils de ses proches et en s’inspirant de leurs visions. Les invités apportent une alternative intéressante et ont tous une place importante dans ce voyage. Un voyage qui est fait de haut et de bas. Ses amis ont une importance particulière pour le rappeur et ce voyage ne pouvait définitivement pas se faire seul.
Bugsy H.
The interlude titled, GET DOWN FROM THERE, was actually me telling him to get down from there. But the next song SKI LIFT something we get down from and go back up is a representation of Fatlip, M-Dot and myself. The ups and downs of our personal journeys in our lives;
Bugsy H.
I would say definitely Stephen Route and M-Dot. Stephen Route is my mentor so having him on Harcourt & Botolph meant a lot. That song was paying homage to that time when we were kids writing and recording stepping in to this world and finding ourselves. Kind of like Stand by me. M-Dot was a huge inspiration as well, we’ve been building for awhile now and really am honored on how humble he’s been! Dudes running around doing world tours, got songs with Conway, Kool G Rap, Pete Rock and acts like it’s nothing, (Ha ha) I love those brothers! More to come
Bugsy H. s’est emparé d’un concept dualistique, l’innocence contre la brutalité dans une recherche personnelle du chemin qui mène jusqu’à son propre sanctuaire, un endroit paisible propre à chacun.