Jive, 1983
1983, le Hip Hop sort de la période dite Old School où les rappeurs et DJ performaient principalement en live, on retrouve d’ailleurs très peu d’albums studio entre la création du rap aux alentours de 1975 et le début des années 80. Alors que le rap nait d’une fission entre le Disco/Funk et ce qui deviendra le Hip Hop, certains croyaient très peu en l’émergence de ce genre en devenir. Dans les clubs afro-américains new yorkais, il y avait deux choix : le Disco/Funk ou le Hip Hop. Pourtant, c’est bien le rap qui supplantera ce dernier au milieu des années 80 et d’autant plus dans les années 90.
Au début des années 80, certains groupes commenceront à rapper sur des productions qui oscillent entre le Disco, l’Electro, la Funk et le Hip Hop, mais surtout à les enregistrer en studio, les plus notables sont Sugar Hill Gang, Afrika Bambaataa, Grandmaster Flash and the Furious Five ou The Fat Boys. Ce qu’il faut retenir de cette période, c’est que le rap se cherche et n’a pas encore sa véritable identité, les influences Disco/Funk sont encore très présentes. Cette période sera d’ailleurs appeler la New School par opposition à la période Old School qui consistait presque exclusivement à rapper en live dans les soirées Hip Hop/Disco.
Whodini est l’un des meilleurs exemples de cette fusion et cette naissance encore non aboutie du Hip Hop, qui sera évincé un peu plus tard des artistes comme Run DMC, LL Cool, The 2 Live Crew. En un sens, Whodini est un groupe pionnier et innovateur pour le Hip Hop tout en conservant une touche très Disco/Electro.



Composé pour cet album de Jalil Hutchins et John “Ecstasy” Fletcher (RIP), le groupe intégrera de nombreuses boucles R&B dans son instrumentation, ce qui contribuera notamment à l’essor du New Jack Swing. Les beats produits par des figures de la New Wave/Synthpop comme Thomas Dolby ou Conny Plank seront caractérisés par des accords de synthétiseurs très électroniques. Et c’est bien la particularité de cet album qui propose des productions Electro avec des couplets rappés, inédits à l’époque sur un album studio. En ce sens, Whodini a contribué à l’ascension du rap vers le grand public avec un mélange hybride.
Même si cet album n’a globalement pas été un grand succès commercial, les deux hits de l’album sont toujours mémorables. The Haunted House Of Rock propose un rap horrorcore spécialement conçu pour Halloween avec de nombreuses références à des icônes du cinéma d’horreur comme Dracula ou Bloody Mary. Outre le thème d’Halloween assez innovant pour l’époque, la ligne de synthétiseur avec des effets sonores parfaitement maitrisés est simplement prodigieuse et oscille entre le Disco et la New Wave.

Whodini
Welcome to the place where all the creatures meet
The last building to your left on a dead-end street
You’ll find skeleton bones outside on the pavement
And torture chambers down in the basement
Cobwebs hangin’ over your head
And music bein’ played by the Grateful Dead
L’autre single Magic’s Wand présente un hommage à l’un des pionniers du Hip Hop, Mr Magic, avec un accord de synthé Pop et des effets sonores Electro réalisé par Thomas Dolby. L’effet de cette chanson est immédiat avec un rap efficace et une boucle entrainante typique des soirées Electro/Disco de l’époque. Accompagné d’un clip vidéo, certains lui attribueront le statut de première chanson Hip Hop à avoir obtenu un clip, même si est discutable sachant que Rapper’s Delight a également eu son clip, bien qu’il s’agisse d’un enregistrement d’une performance live.
En dehors de ces deux singles iconiques, l’album baisse légèrement en intensité, mais l’ensemble reste toujours bien réalisé avec une trame de fond cohérente. Il peut être difficile d’apprécier l’excès de synthétiseur et les boucles New Wave, pourtant des morceaux comme Nasty Lady vont se différencier par l’ajout d’effets sonores, qui provoquent une ambiance entrainante sur un mix rap/chant. Yours For A Night offre des sonorités R&B pour un titre excellemment funky et un chant bien maitrisé. It’s All In Mr Magic’s Wand présente un synthétiseur Electro/Funk et rythmé avec une batterie accrocheuse pour un rendu efficace.
Au contraire, Rap Machine est plus brut avec une boite à rythme claquante et un rap combatif, la voix robotisée et les effets aux synthétiseurs sont toujours présents. Sur Underground, la boucle aigue de synthétiseur contrastée par la voix grave modifiée qui répète « underground » présente une originalité intéressante. Après le couplet chantonné avec une voix modifiée, les accords de synthétiseur font penser à une improvisation de jazz à la manière électrique avec des effets sonores avant de reprendre le refrain. Tout n’est que contraste et originalité dans ce morceau.
Après ce premier album, Whodini rencontrera un plus grand succès sur son second album, Escape, qui sera certifié platine. Ce deuxième album, produit intégralement par Larry Smith, conservera la toile de fond des synthétiseurs tout en intégrant d’autant plus de sonorités R&B/Funk et légèrement Rock, se rapprochant d’un Run DMC. Il faut reconnaitre qu’il est plus abouti sur le plan musical, mais le premier album reste plus innovant et on ne peut nier ses nombreux apports pour le Hip Hop avec un son hybride Electro/Hip Hop, sans oublier sa contribution pour la New Wave et le New Jack Swing. Les synthétiseurs et la touche Disco seront sans doute difficile à encaisser pour certains, mais il s’agit d’une page du rap qu’il ne faut ignorer. Et si on aime l’Electro/Disco, cet album sera un régal.