Atlantic, 2005
Alors que The Listening sortie en 2003 a propulsé le groupe dans la catégorie des révélations underground, The Minstrel Show viendra confirmer ce statut de grand groupe du rap underground. Le trio originaire de Caroline du Nord suit légèrement les débuts de KMD, groupe dont le leader n’était autre que MF Doom, Zev Luv X à l’éqopue. Pourquoi me direz-vous ? Et bien parce que comme KMD au début des années 90, Little Brother arrive avec un côté conscient et provocateur mais finalement très subtil, de la même manière que Mr Hood. En réalité The Listening est une ode au rap des années 90 qui souhaite donner un aperçu de la beauté du Hip Hop, dans l’art du sampling mais aussi dans la promotion de la culture et des racines noires. Pourtant The Listening, comme l’était Mr Hood, est suffisamment soft pour qu’il passe très bien auprès du public.
The Minstrel Show suivra un peu le même chemin que Black Bastard. L’album avait été interdit en particulier pour la couverture mettant en scène un Sambo noir se faisant lynché, mais aussi pour son contenu revendicateur et provocateur. On a fini par avoir la possibilité d’écouter l’album grâce à une réédition, ce qui nous a permis de nous rendre compte que finalement l’album n’était pas si provocateur qu’il n’y paraissait, en tout dans les paroles et le contenu. En fait, l’album avait un côté un peu naïf et candide qui permettait d’atténuer le message et lui donner un aspect un peu plus léger. Pourtant, le gouvernement conservateur et l’opinion public ne semblent pas apprécier qu’on s’attaque à son histoire controversée et sensible de l’Amérique raciste. Et en 1993, ce n’était pas passé pour KMD qui s’est finalement fait renvoyer de sa maison disque, Elektra.


L’idée est sensiblement la même pour Minstrel Show. L’album n’a pas été interdit mais quand The Listening était plus candide, The Minstrel Show devient bien plus provocateur, et dans une manière un petit peu déguisée qui le rend finalement très subtil. En réalité, l’album est provocateur mais pas si revendicateur que ça, le but ici est plutôt de mettre le doigt sur les stéréotypes et caricatures des noirs-américains dans la société.
Dans le fond, on suppose que Little Brother sait ce qu’il fait, ce genre de provocation donne de la visibilité. Ca avait fonctionné pour KMD, Black Bastards avait été massivement leaké avec des nombreuses versions, lui donnant le statut de graal. NWA a également connu cette visibilité lorsqu’ils ont diffusé la lettre reçue par le FBI. The 2 Live Crew est un autre exemple de censure, ici à cause de propos à caractère hautement sexuel et sexiste, et ils avaient joué avec cette censure sur leur album Banned In The USA.
Le concept de Minstrel Show est très bien pensé dans son concept et permet au trio de Caroline du Nord de faire passer un message de manière subtile, et surtout très ironique, leur permettant de ne pas dire les choses directement. Une belle manière de créer la controverse sans se faire attaquer. The Minstrel Show ne va pas s’attaquer directement à l’Amérique raciste, mais il va se mettre en scène dans un show qui permet de caricaturer les émissions de télévisions à destination d’un public afro-américain, et ainsi parodier la futilité, voir l’absurdité, de ce genre de show.


Bienvenue au Ministrel Show ! Spectacle mettant en scène les deux ménestrels Phonte et Big Pooh pour animer le show avec un 9th Wonder en coulisse derrière les platines. Diffusé sur UBN, U Black Niggas Network, un réseau de télévision fictif, le spectacle s’inspire directement des émissions télévisions afro-américaines à la Bamboozled, un film comique et satirique réalisé par Spike Lee qui reprend un spectacle mettant en scène des acteurs noirs maquillés en noir. Et ils vont bien nous embobiner puisqu’il s’agit d’une satire des programmes et publicités stéréotypés pour les afro-américains, entre autres. Love It s’en prend au sous genre du Gangsta Rap, notamment dans le clip avec beaucoup d’humour de de second degré. Au contraire, Slow It Down et Cheatin, qui met en scène Percy Miracles, un alterego de Phonte, parodient le R&B des chanteurs comme R. Kelly pour leurs interprétations dramatiques caricaturales. Les deux petits frères font preuve de beaucoup d’humour, presque caricatural pour animer leur show, ça fonctionne à merveille.
9th Wonder, qui produit une grosse partie des morceaux, utilisent des samples de Soul pour une ambiance chaleureuse captivante, on n’a pas envie de partir du spectacle. Le show oscille sur une symphonie jazzy et soulful tout en rappelant les rythmes du Boom Bap, un peu à la manière d’un Pete Rock mais plus joyeux et extravagant. Les morceaux confèrent une atmosphère scénique, très perceptible sur Watch Me. Cet effet est d’autant plus renforcé par les Skits qui contiennent des références ironiques à la culture pop noire-américaine. Les refrains chantés apportent une touche de fraicheur coupant les prestations remarquables au micro des deux troubadours. On a toujours cette petite énergie positive et entrainante, accompagné d’humour, qui font de ce spectacle un ensemble palpitant.
Finalement la controverse n’a pas permis au groupe une plus grande visibilité, l’album s’est vendu uniquement à 18 000 copies la première semaine, et pourtant les attentes du public étaient assez fortes. Le refus de BET de ne pas jouer leur clip Lovin It a peut-être empêché le groupe d’avoir une vraie promotion auprès d’un public moins connaisseur. En tout cas, la scène underground a acclamé la prestation proposée par le trio. Les trois animateurs ont livré un spectacle prenant, ils savent animer leur show et tenir leur public avec leur sarcasme, ironie, humour et bonne humeur. Achetez votre place et attendez le lever de rideau !